Dans le même temps que se produit un bouleversement de la médecine dite « officielle », et ce grâce aux travaux de C. Bernard, Virchow, Osler, le XIXe siècle connaît l’éclosion et le développement des principales branches de la médecine dite « parallèle », homéopathie, naturopathie, ostéopathie. La naissance de ces diverses branches thérapeutiques représente une réaction devant l’ineptie, l’inefficacité, voire les dangers des pratiques thérapeutiques d’alors : sangsues, saignées, mercure, arsenic, pour ne citer que quelques-uns des procédés les plus communs. C’est à Andrew Taylor Still (1830-1917) que nous devons la découverte de l’ostéopathie. Médecin, chirurgien, pasteur, il fut vite désillusionné par les moyens thérapeutiques en sa possession. La profondeur de ses croyances religieuses et la mort de deux de ses enfants à la suite d’une épidémie de méningite le déterminent à chercher les moyens que Dieu avait, en toute certitude, laissés à l’homme pour se guérir. Still passa alors de nombreuses années à prêcher, à rechercher et à étudier l’anatomie et ce qu’on savait alors de la physiologie. En 1874 se produisit l’intuition géniale qui devait ensuite déterminer toute sa carrière et tout le devenir de l’ostéopathie : contemplant un squelette, l’idée lui vint qu’une des clés du bon fonctionnement d’un organe devait obligatoirement être que cet organe ait des relations mécaniques équilibrées avec les structures qui l’entourent et que les structures qui le composent soient aussi en harmonie entre elles. Autrement dit, pour qu’une articulation ou un viscère puisse fonctionner normalement, aucune contrainte mécanique ne doit s’exercer sur lui. Still énonça alors l’axiome suivant : « La structure gouverne la fonction », reconnaissant par ailleurs comme principaux facteurs susceptibles de modifier la fonction d’un organe l’innervation et la circulation d’arrivée et de retour dans un organe quelconque. En d’autres termes : tout ce qui est susceptible d’interférer entre l’innervation d’un organe (soit par excitation ou inhibition des voies nerveuses) et la circulation d’un organe (ischémie ou congestion) ou encore que les rapports mécaniques intrinsèques et extrinsèques d’un organe, entraîneront obligatoirement une diminution ou une anomalie des capacités fonctionnelles de ce même organe. Ces principes, mis en pratique, se révélèrent très féconds et la réputation de Still se répandit vite dans tous les États-Unis. En 1892, Andrew Taylor Still fonda l’American School of Osteopathy, première école suivie de nombreuses autres. L’ostéopathie connut une extension remarquable, car elle seule offrait, à une époque où la médecine officielle avait très peu à offrir, un moyen thérapeutique logique et remarquablement efficace. Le principe en était simple, mais la pratique difficile : devant tout trouble, maladie, l’ostéopathe s’attachait à chercher avec ses mains ce qui pouvait perturber la fonction de l’organe symptomatique. L’ostéopathie fut reconnue par chaque État des États-Unis comme une médecine de plein droit et les ostéopathes y ont les mêmes droits que les allopathes. En 1918 un élève de Still, J. M. Littlejohn, vint en Angleterre et y fonda la British School of Osteopathy. C’est donc par l’Angleterre que s’implanta en Europe l’ostéopathie ; c’est encore ainsi de nos jours pour tous ceux qui désirent apprendre l’ostéopathie traditionnelle, à défaut de pouvoir l’étudier aux États-Unis.
L’ostéopathie est une médecine naturelle qui tend à donner à l’homme la pleine possession de son potentiel physiologique et psychologique. Elle se sert d’une technique thérapeutique qui vise à réharmoniser les rapports de mobilité et de fluctuation des structures anatomiques au moyen d’ajustements précis.
Pour le professeur Irwin Korr, éminent physiologiste américain : « L’homme est tout d’abord un cerveau qui a besoin d’un système musculo-squelettique pour s’exprimer. Ce système en lui-même a besoin d’être nourri et débarrassé de ses impuretés : le sang joue ce rôle très important. À son tour, le sang doit, lui aussi, être fabriqué, épuré, enrichi et doit transporter tous les nutriments nécessaires au besoin de chaque cellule, c’est le rôle unique de la machinerie viscérale que de répondre à ces nécessités. La colonne vertébrale est l’axe de vie, soutien qui réunit par ses structures anatomiques propres d’une part les structures de la moelle épinière, d’autre part le cerveau à toutes les cellules du corps. »
Il est donc intéressant de noter que la vie dépend du sang et de ses composants fluidiques dans l’organisme humain. Andrew Taylor Still, il y a cent ans, affirmait déjà que la règle de « l’artère était primordiale », les régions mal vascularisées deviennent des zones ou la « fonction » est inhibée. Le rôle de l’ostéopathie est donc d’intervenir sur la ou les « structures » nécessaires pour rétablir la « fonction ». Il est donc impérieux de bien connaître la hiérarchie de ces fonctions et leurs parfaites interférences. En conséquence, l’ostéopathie considère le patient comme une personnalité unique. Elle s’occupe en premier lieu de l’individu et non de ses symptômes, d’où le rôle important de l’entretien et de l’anamnèse. En deuxième lieu, elle met en pratique la sémiologie ostéopathique, précise, douce, adaptée, en tenant compte de tous les paramètres personnels des patients (morphologie, tempérament, attitudes gestuelles, mimiques, environnement psychique et physique, etc.). En troisième lieu enfin, elle se sert de la clinique symptomatique classique et cela dans le but d’exercer une médecine réactive, spécifique et qualitative. L’ostéopathie est donc une approche de l’homme en tant qu’exemplaire unique, dans un déséquilibre psychophysiologique, par l’intermédiaire de la « main du thérapeute ». Le but ultime de l’ostéopathie est donc de permettre au consultant de se trouver libre sur ses « appuis », quels qu’ils soient, et de commencer non plus à exister, mais à être.
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